Qui dit idées folles dit besoin de partenaires fous pour les mettre en uvre. Marco Tessaro et Lucas Oechslin de Luma Delikatessen voulaient aussi intégrer la volaille à leur assortiment de produits. « Les grosses productions de l'industrie de la volaille, ce n'est pas trop notre truc », déclare Tessaro. « Nous recherchions un partenaire qui produit de façon durable. » Ils l'ont trouvé à l'est la Suisse. Robin Geisser de la Geflügel Gourmet AG fait figure de pionnier en matière d'animaux à plumes. Il achète les ufs en France, les incube et fait élever les poulets par divers fermiers de St.-Gall et de l'Appenzell. Pour des projets comme celui de Luma il est tout feu tout flamme. « J'aime essayer différentes choses, c'est ainsi que nous sommes parvenus à l'idée de la maturation longue à sec » déclare M. Geisser.
Mais le secret de la qualité du poulet Luma repose dans un premier temps sur l'élevage. Robin Geisser et Marco Tessaro parcourent l'enclos de volailles dans la vallée du Rhin. Ils montrent l'élevage à Tarik Lange. Le jeune chef travaille au restaurant « Parkhuus » situé dans le Park Hyatt à Zurich et est un très bon client de Luma. « Les poulets vivent environ deux fois plus longtemps qu'en élevage traditionnel », déclare M. Geisser. « Ils grandissent plus lentement. Outre une bonne alimentation, c'est ce qui garantit une viande de haute qualité. » La bonne alimentation c'est le Ribelmais. La vallée du Rhin est connue pour cette variété de maïs qui en est originaire ; on l'y cultive à nouveau depuis près de 20 ans. Les poulaillers mobiles se trouvent directement près des champs de maïs, les poulets peuvent s'y mouvoir librement et picorent ici et là un épi tombé à terre.
Pour la production Dry-Aged les femelles conviennent autant que les mâles. Luma propose également des canards de Pékin originaires de l'Appenzell. Le plus important, c'est que les poulets soient plumés à sec. On enlève l'appareil gastro-intestinal, les autres abats sont conservés à l'intérieur. Puis le poulet est placé 12 jours dans l'armoire de séchage. L'humidité doit être inférieure à 60 pourcent et la température ne pas dépasser 2 degrés.
Plus la viande est suspendue longtemps, plus son goût est intense. Elle perd environ 15 pourcent de son volume lors de ce processus. « La production est très coûteuse. Nous savions depuis le début que ce serait un produit coûteux, il doit donc se démarquer de tous les autres en termes de goût », déclare Marco Tessaro. À ce propos, le poulet n'est pas « lumifisé », c'est-à-dire qu'il n'est pas traité avec la moisissure noble de Luma.
Mais comme il en est d'usage chez Luma, le poulet Dry Aged est livré surgelé. La viande garde ainsi un degré de maturation parfait. C'est aussi ce que Tarik Lange apprécie. « C'est parfait, étant donné la pandémie actuelle et la fluctuation du nombre de réservations. Je n'ai jamais à jeter quoique ce soit. Et la qualité est toujours au top. » M. Lange, dont la cuisine a récemment été évaluée à 15 points, a toujours une pièce de volaille de Luma à la carte. « Je fais mijoter la poitrine sous-vide, ensuite je la pose sur le gril au charbon de bois. » Il l'agrémente de cannellonis au coleslaw, de courgettes et de gnocchis. « Le poulet Dry Aged Luma est le meilleur poulet de Suisse. » Et le succès rencontré par ce dernier ne fait que le confirmer. « Nous sommes très souvent en rupture de stock ! », déclare Tessaro.Cet article est le résultat d'une collaboration avec Gault&Millau Suisse.Texte: Kathia Baltisberger, Photos: Olivia Pulver